En Allemagne, la construction de la plus grande centrale solaire thermique du pays, qui alimentera le réseau de chaleur de Leipzig-Lausen (Saxe), a débuté ce printemps. L'installation, d’une puissance de 41 MW avec 65 000 m² de capteurs, doit être prête fin 2025 et mise en service en 2026, produira 26 GWh/an générant l’économie de 7 000 tonnes de CO2. Des prairies fleuries doivent être semées, des arbres fruitiers et des haies plantées pour régénérer la biodiversité après le chantier. Et pour s'assurer que ça pousse bien sous et entre les collecteurs, un troupeau de moutons viendra paître sur place.
Vu de France, ce projet solaire fait rêver. Il correspond parfaitement à la stratégie française énergie climat (SFEC) pour décarboner les réseaux de chaleur et l’industrie. Et pourtant : il est aujourd’hui impossible d'envisager ce type de projet de notre côté du Rhin, du fait de la comptabilité du zéro artificialisation nette (ZAN) qui pénalise les centrales solaires thermiques. C'est absurde, alors même que les collectivités locales planifient en ce moment leur transition énergétique et que la chaleur solaire pourrait massivement y contribuer ! Une future proposition de loi (initiative parlementaire) sur la chaleur renouvelable et de récupération devrait permettre de corriger ce bug législatif issu de la loi Climat résilience de 2021 et aligner les dispositions visant le solaire thermique sur celles relatives aux centrales photovoltaïques.
Sans attendre cette future loi, le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pourrait communiquer et informer les collectivités des possibles évolutions de la loi en vue de faciliter la production et le stockage de chaleur solaire. Les collectivités devraient pouvoir, comme leurs homologues allemandes, déployer des infrastructures comme celles de Leipzig, qui sont indispensables pour atteindre notre objectif national de 6 TWh en 2030.
Autre exemple inspirant en Allemagne : la construction du réseau de chaleur du village de Bracht, 900 habitants dans la Hesse. Particularité de cette opération : une méga-batterie inter-saisonnière de chaleur solaire, en fosse de 26 600 m3, va stocker la production de la centrale, d’une puissance de 9,1 MW, pour couvrir 70% du besoin du réseau de chaleur du village. Stocker l'abondance solaire estivale pour en profiter de l'automne au printemps, c’est possible et c’est un changement de paradigme pour notre filière. Qui plus est, c'est low-tech avec une production industrielle européenne. L'affranchissement de l'énergie fossile importée et polluante grâce au stockage inter-saisonnier de chaleur solaire, c’est un enjeu majeur. Aussi, SOCOL a lancé un groupe de travail dédié au stockage avec des experts et partenaires, afin d’étudier les travaux réglementaires en cours et de paver la voie au déploiement des solutions avec le soutien du fonds chaleur.
Pour conclure, un conseil de lecture avec le récent rapport de l'Académie des technologies « Le stockage inter-saisonnier de chaleur : un atout pour le climat et la souveraineté », ainsi que celui du Céréma sur « les réseaux de chaleur au Danemark » qui analyse les nombreux retours d’expérience de couplage avec du solaire et du stockage. Préparez-vous au changement de paradigme pour la chaleur solaire, on va pouvoir en profiter toute l’année.
Richard Loyen, Délégué Général
Chargé des relations avec les collectivités et de la chaleur solaire