Enfin, un nouveau Premier Ministre a été nommé. Michel Barnier, dès sa prise de fonctions, a appelé à « dire la vérité sur la dette financière et écologique ». Le gouvernement « démissionnaire » voulait lui, selon la « lettre plafond » envoyée cet été au ministre de la Transition écologique, réduire de 35 % le budget de l’ADEME pour 2025, soit une véritable saignée pour les projets de chaleur renouvelable. Une première bonne décision du gouvernement Barnier sera de revenir sur ces baisses de crédits prévues. Manière de ne pas creuser davantage la dette écologique du pays, tout en étant une sage décision budgétaire. Car le fonds chaleur est régulièrement vanté comme « l’un des leviers les plus efficaces pour la décarbonation et la baisse de la dépendance aux fossiles ». Sacrifier son budget sur l'autel de l'austérité serait une double hérésie, environnementale et économique, et un signal politique absurde envoyé aux élus locaux et aux entreprises !
Les grandes lignes budgétaires de l’ADEME, telles qu’envisagées cet été par le gouvernement Attal, ne sont pas une base de travail sérieuse. Le nouveau gouvernement de plein exercice, doit clairement y renoncer. Depuis la crise de l’énergie, au cours de laquelle l’Etat a dépensé 72 milliards d’euros[1] dans des mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, nos collectivités et nos entreprises se mobilisent comme jamais pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles grâce à la chaleur renouvelable. Ainsi pour le fonds chaleur, c’est 1.5 milliard d’euros publics qu’il faudra investir en 2025, simplement pour mener à bout les projets déjà dans le « tuyau ». Il faudra en outre adopter une stratégie pluriannuelle de financement de la transition, afin de pérenniser la dotation du Fonds chaleur à la mesure des objectifs de la PPE pour la chaleur renouvelable, sur la base des travaux du Trésor et du Secrétariat Général à la Planification Ecologique.
L’incertitude est l’ennemi des projets d’infrastructures de décarbonation. Les développeurs de projets de chaleur renouvelable et les collectivités ont besoin de visibilité et de stabilité des dispositifs de soutien. Face à la dette écologique soulignée par le Premier ministre, il faut agir et l'ouverture des discussions sur le PLF 2025 doit en être l’occasion.
Ministre de l’Environnement de 1993 à 1995, le nouveau Premier Ministre a été à l'origine de la création de l'INES. « L’idée d’un Institut National de l’Énergie Solaire est née en 1998 de la volonté d’élus, notamment Michel Barnier et Jean-Pierre Vial, de créer un centre de référence dans le domaine du solaire » nous apprend le site internet de l’institut. Depuis, l’INES est devenu un centre de recherche et de formation en pointe au niveau européen, particulièrement impliqué dans le photovoltaïque mais aussi dans le solaire thermique, avec sa contribution notable aux actions de SOCOL. Espérons que Michel Barnier, qui a pris la mesure du formidable potentiel de l’énergie solaire bien avant de nombreux décideurs politiques français, soutienne depuis Matignon une politique volontariste pour la solarisation du pays. Nous avons besoin de ténacité et de cohérence politique, pour multiplier par 7 la production de chaleur solaire d’ici 2035.
Richard Loyen, Délégué Général
Chargé des relations avec les collectivités et de la chaleur solaire
[1] Rapport public thématique de la Cour des Comptes sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, mars 2024